Manifest 8 març 2021

Pour nos filles et petites-filles

Dans les manifestes précédents, nous avons ciblé notre ligne d'action et nous avons fait une synthèse de la situation de féminisation de la pauvreté dans le monde et de l'effet sur les pensions de la paupérisation des femmes âgées et non âgées des secteurs défavorisés.

Pour compléter les précédents, nous allons à présent mettre l'accent tout particulièrement sur un appel aux femmes qui travaillent, qu'elles soient actives, au chômage, dans le secteur informel ou à la maison, afin qu'elles comprennent que nos revendications les concernent directement, puisque ce sont elles qui seront impactées aussi bien en cas de succès que d'échec de notre lutte. Il est donc évident que le succès va de pair avec l'union de leurs forces avec les nôtres.

Dans le monde, les crises économiques, financières, énergétiques et politiques, les catastrophes naturelles, les guerres, le terrorisme, les coups d'État, le changement climatique, les maladies, les épidémies s'aggravent et ce sont toujours les secteurs les plus vulnérables, parmi lesquels les enfants, les personnes âgées, les handicapés et les femmes, qui en subissent toujours les pires conséquences. Les femmes âgées pauvres et malades, souvent handicapées, sont les plus durement touchées.

Les statistiques ventilées par sexe montrent que la grave crise sanitaire que traverse le monde, en raison de la COVID 19, touche principalement les femmes âgées, en termes de santé, de finances et de relations affectives. Après une vie passée à prendre soin des autres, elles doivent rester, soit confinés pour protéger leur santé, soit rester seules, sans soins si elles sont infectées, sans aucune présence d'un proche à l'hôpital ou en maison de retraite, qu'elles soient en chambre ou en soins intensifs, et pire encore, si elles sont mourantes.

Les gouvernements de ce monde capitaliste et mondialisé se retrouvent pris au piège, par l’égoïsme des grands capitalistes, de la défense du fonctionnement économique et cachent

 

la subordination du respect de la vie aux intérêts du capital. La classe ouvrière souffre, comme toujours, de la gravité tant de l'aspect sanitaire que social et économique. Les femmes davantage. Les personnes âgées encore plus. La crise économique impactera les futures pensions et creusera l'écart.

Comme si ce processus n'était pas suffisamment grave, nous courons le risque de perdre les droits acquis par 300 ans de lutte féministe, car nous subissons l'agression mondiale d'un féminisme exacerbé et appelé à tort " intersectionnel " qui dilue et uniformise les différents aspects à revendiquer, les laissant vains.

De la fusion des aspects de classe, de sexe et de race, le 21ème siècle a été abordé par l'aube d'un discours néolibéral postmoderne avec la capacité d'entrainer une nouvelle et fausse gauche approchée a la démocratie sociale. Ce discours postmoderne, néolibéral et pseudos-cientifique, collabore à l'élaboration de lois qui iront bien au-delà de l'invisibilisation, de l'appauvrissement économique et de la négligence en matière de santé des femmes. Les conséquences de ces lois, si rien ne les arrête, effaceront les femmes réelles et les outils mis en place pour leur rendre justice, comme on voit déjà dans plusieurs pays. Comprendre comment cela a pu se produire, c'est comprendre les différentes redéfinitions dont le concept de femme a souffert tout au long de l'histoire du féminisme.

En 1967, lorsque Simone de Beauvoir écrit Le Deuxième Sexe, avec l'intention de faire avancer la lutte féministe, la Seconde Guerre mondiale avait déjà montré la capacité des femmes à agir dans tous les secteurs de l'économie aussi bien que couvrir les besoins que la guerre avait provoqué. Leur retour au foyer déclencha la maladie sans nom - le désarroi des femmes réduites à l'état de ménagères consommatrices - découverte par Betty Freedam. Après la revendication existentialiste de Beauvoir s’ouvrit la voie. La catégorie analytique du genre n'avait pas encore été inventée mais le titre de l'ouvrage de Simone et la phrase qu’il résume : "On ne naît pas femme, on le devient", portent la graine de cette catégorie qui fut très fructueuse dans les décennies suivantes. La signification de cette phrase serait : une fille naît avec le sexe féminin, mais ensuite, c'est la société patriarcale qui, du seul fait qu’elle soit née avec ce sexe, va lui inculquer les stéréotypes que la société a décidés afin qu'elle exerce le rôle de subalterne domestique avec des fonctions de reproduction et de garde, nécessaires au système pour maintenir et renouveler la force de travail. L'ensemble des stéréotypes, des rôles, des tâches et des considérations qui transformeront la fille en "femme" sera appelé plus tard "genre". Le genre est donc une catégorie analytique qui met en évidence le masque oppresseur et dépréciant que le patriarcat impose à la femelle humaine en raison de son sexe. Le féminisme visera résolument l'abolition du genre.

Avec l'arrivée du postmodernisme et de la relativité des récits, la catégorie de genre est redéfinie, ce qui la rend synonyme de sexe et, en défense des sexualités non hétéronormatives, elle fait place à une multitude d'identités génériques. De l'action résolue pour l'abolition du genre, catégorie qui explique l'oppression, on passe à la multiplication des genres comme autant de costumes, au choix des genres pour définir les identités, à l'autodétermination du genre/sexe en dehors de la réalité corporelle vérifiable, à l'effacement du sexe. Tout être humain peut s'autodéterminer en tant que femme simplement en le souhaitant ou en le ressentant. Avec cette acrobatie linguistique, les statistiques ventilées par sexe, les actions politiques compensatoires, les équipes sportives par catégories sexuelles, les recherches médicales récemment initiées sur des maladies spécifiques chez les femmes, etc. perdent leur sens. Tout cela déformant la phrase de Beauvoir, car selon ce courant on naît femme quel que soit le sexe attribué, on naît avec le genre femme et le sexe est attribué avant de connaître le désir de la personne née, avec lequel on peut attribuer le sexe masculin à un être humain qui quand il pourra exprimer son désir dira qu'il est une femme. Ce travail théâtral nécessite un néo-langage : corps menstrué, vagin porteur, utérus porteur, corps gestant, corps allaitant, maternité pour autrui, travail du sexe, consommateurs

 

de pornographie, reconnaissance de la sexualité infantile, transition par voie hormonale, chirurgicale, pronom elle. Que faire si elle a tué elle? Et les femmes âgées non menstruantes, non gestantes, non prostituables, non pornographiables ? ne sont-elles que des corps asexués, stériles, inutiles et jetables ? ne servent-elles que de soignantes ? où vont-elles faire valoir leur expérience de la vie professionnelle, affective, sexuelle et sociale, ce qui fait leur dignité ?

Après les redéfinitions qui nous ont menées au risque d'effacement dans les lois, les statistiques et le néo langage au profit du marché, nous ne pouvons pas renoncer à notre devoir de débarrasser ces redéfinitions et la distorsion du langage qui, au-delà de l'absence des comptabilités nationales, par l'invisibilité de notre place première dans la chaîne de production, ont créé l'absurdité de remplacer les réalités par des désirs. De nous rendre invisibles jusqu'à nous effacer, nous les femmes, et toutes les conquêtes réalisées par 300 ans de féminisme.

Selon Silvia Federici, il est important de se rappeler l'histoire des oppressions patriarcales dont le système capitaliste a su tirer profit et dont il s'est si bien nourri. Federici rappelle que la persécution des sorcières est à l'origine de l'expropriation du corps, de la force et du savoir des femmes dans le processus violent de l'accumulation capitaliste originelle. Et que, à d'autres époques et sur d'autres continents, ce sont les esclaves qui ont été considérées comme propriétés, pour rendre possible cette accumulation, esclaves indispensables à la production dans les grandes exploitations et à la reproduction d'enfants destinés à la vente sur le marché.

Afin de maintenir le fonctionnement du premier maillon de la chaîne de production, il était nécessaire de réformer l'institution du mariage, où la femme a la responsabilité du domaine sexuel, des tâches domestiques et ménagères, dépossédée de son corps, destiné à la reproduction de travailleurs. Pour effacer ce premier maillon de la chaîne de production, qui c’est le grand oublié même pour Marx, elles sont invisibilisées dans les comptes nationaux. Le nouveau modèle de la famille nucléaire garantit à l'État la soumission des femmes au Pater Familias afin de garantir au système la non-rémunération du travail à la maison des femmes. La violence exercée sur elles ne provient d'aucune pathologie de l'agresseur, mais de la propre structure prédatrice du système patriarcal et capitaliste, gérée par l'État bourgeois.

L'exploitation sexuelle des femmes prostituées s'avère nécessaire à la société bourgeoise pour assurer la pureté de sa descendance héritière et au profit du grand commerce de l'industrie du sexe qui réclame avec insistance sa légalisation, en commençant par imposer à l'exploitation sexuelle la fausse appellation de travail du sexe.

Mais les vieilles femmes ne sont plus bonnes ni pour la procréation ni pour le bordel. Elles ne sont bonnes que pour prendre soin, pas pour être soignées. Condamnées à la pauvreté, à la solitude et à la déconsidération, matérialisé dans l'image folklorique des sorcières qui, avec cette image de la vieille femme horrifiante, efface la véritable histoire de la violence patriarcale et capitaliste exercée sur les femmes dans l'accumulation originelle par la dépossession de leur corps et l'expropriation du commun. Aujourd'hui, cette dévalorisation est intensifiée dans une oppression explicite que nous appelons âgisme, qui hypersexualise les filles, les adolescentes et les jeunes femmes et réduit les femmes âgées à des corps asexués sans intérêt.

Nous le répétons : les violences exercées sur les femmes ne proviennent d’aucune pathologie du bourreau, mais de la nature oppressive du système patriarcal et de la structure prédatrice du système capitaliste, géré par l’État bourgeois.

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Nous pourrions donc réécrire la célèbre phrase de Kate Millet comme suit :

 

“Ce n’est pas privé c’est politique”!!!

Seule l'abolition du patriarcat, fonctionnel au capitalisme, et la défaite de celui-ci peuvent libérer les femmes âgées de l'oppression structurelle spécifique à laquelle elles sont soumises et qui engendre pour elles, dévalorisation, déconsidération, pauvreté économique, affective et sexuelle, violence physique, psychologique, symbolique et sociale, ainsi que leur invisibilité et, enfin, leur effacement avec la perte des faibles droits acquis au prix de longues et dures luttes. La COVID a révélé avec toute sa dureté la situation actuelle déplorable des femmes âgées dans le monde entier, les laissant mourir dans un abandon et un dénuement absolus.

À BAS LE PATRIARCAT ET LE CAPITALISME !!!

LONGUE ET DIGNE VIE POUR LES FEMMES ÂGÉES DE TOUTE LA PLANÈTE !!!!